mardi 24 avril 2012

Mardi Gras (5) : les Mardi Gras Indians


Après les Indiens de Louisiane, laissez-moi vous présenter les Mardi Gras Indians. Autre communauté, autres traditions...

Notre première rencontre avec les Mardi Gras Indians date de l'année dernière. On était tombé par hasard sur eux, entre deux parades de Mardi Gras (cf. article "Mardi Gras (2)"). Cette année, nous sommes allés spécifiquement à leur rencontre pour le "Super Sunday". C'est la parade du dimanche après-midi, proche de la St Joseph. C'est une occasion exceptionnelle de voir les "tribus" ou "gangs" descendre dans la rue avec leurs costumes fabuleux.

Qui sont-ils ? Ces personnes se disent Indiens car ils ont des descendants métisses Indiens-Afro-Américains. Avec le temps, ils sont visiblement plus Afros qu'Indiens. Mais c'est leur héritage du temps où les esclaves des colonies françaises pouvaient se marier et faire des enfants avec des indiennes libres. Alors, leurs enfants naissaient libres (c'est la mère qui transmet son statut d'esclave ou de femme libre à ses enfants) !

Le principe : ils tissent, cousent et brodent toute l'année leur costume et sont censés le brûler pour le mercredi des cendres. La plupart le garde et le réutilise deux-trois fois pour les occasions comme le Super Sunday ou le New Orleans Jazz and Heritage Festival. Ils répètent toute l'année aussi les chansons et danses associées.

Certains participants sont des anciens dealers ou voyous. En leur demandant de se consacrer des heures et des heures à un costume et en leur donnant cette fierté de créer eux-même cet habit, certains se détournent de la délinquance. C'est une véritable compétition pour qui aura fabriqué le plus beau costume.
Parmi eux, vous trouverez  Big Chief (le grand chef), le second, l'éclaireur, l'espion (qui anticipe les rencontres avec les tribus rivales), le porteur de drapeau, le traiteur (médecin), la reine, etc.


Dur dur de sélectionner les photos. Je vous propose cette série et vous laisse admirer leur œuvre d'une
année de couture.
 

 

 




 


 








Certains costumes pèsent plus de 50 kilos !

Ça donne soif et ça fait transpirer !


On divise les Mardi Gras Indians en deux principales zones géographiques : "uptown" (quartiers chics) et "downtown" (centre-ville.)



Indiens du Centre-ville et leurs costumes en relief et d'influence africaine.
Détail de broderie de perles des indiens d'"uptown".

Les masques sont d'influence africaine aussi, remaniés avec l'esthétique indienne sur le nouveau continent depuis les années 1800.




Un beau couple :


Paradant à pied, ils dansent et chantent à la manière africaine avec des tambours, tambourins et autres percussions. Les Mardi Gras Indians respectent une caractéristique de la musique africaine lorsqu'ils utilisent un style appel-réponse. Les paroles des chants sont un mélange d'anglais, de créole et de mots mystérieux (peut-être indiens) :



Un bicolore, rare :


Un porte drapeau :


Un médecin ?

Un fan des Saints, l’équipe de football américain de la Nouvelle Orléans :


Des enfants et adolescents, souvent très sérieux (et fatigués !) :




Si vous les rencontrez, dîtes leur qu'ils sont beaux ou "beautiful" !

Après la parade des chefs et leurs tribus viennent quelques chars :


Ça finit par une "Second line" ; tout le monde peut suivre la fin de la parade et danser au rythme de la fanfare (ou brass band), brandir une ombrelle ou agiter un mouchoir :


Mes sources (en anglais) :
- http://www.museevirtuel-virtualmuseum.ca/sgc-cms/expositions-exhibitions/festival/en/lsm/page3.html
- http://www.mardigrasneworleans.com/supersunday.html

samedi 14 avril 2012

Indiens de Louisiane

Photo prise dans la salle des fêtes de Vermilionville
On parle peu des Indiens en Amérique du nord. Si on ne s'intéresse pas à eux, il est très facile de ne pas les rencontrer. Ainsi, on reste sur des idées reçues qui les réduisent à des assistés dans les réserves par exemple. Pourtant, ils sont aussi enviés pour leurs casinos et les millions qu'ils génèrent. Mais qui sont les Indiens de Louisiane ? Et quelle est leur histoire ?


L'histoire :
Il y a 10 000 ans, les Indiens chassaient les mammouths, les paresseux géants et autres animaux de la région. Vers 1000 a.v. J.C., ils construisaient près des villages des monticules de terres dédiés aux funérailles et à la pratique religieuse. Plus tard, en complément de la chasse, de la pêche et de la cuillette, ils cultivaient le maïs, les haricots, les courges et autres citrouilles, les melons, les tournesols, le tabac et les patates douces. Les crustacés et poissons étaient au menu tous les jours pour les tribus qui vivaient sur la côte.
Avant l'arrivée des colons, les Indiens de nombreuses tribus se rassemblaient plusieurs fois par an sur un lieu sacré (pour fêter l'Equinoxe), économique (pour échanger des marchandises venues de toute l'Amérique du Nord) et social (trouver un mari !) Ce lieu s'appelle Poverty Point (au nord de la Louisiane, à côté du Mississippi). Pour en savoir plus, cliquez ici et (vidéo)

Le moyen de déplacement le plus courant pour les Indiens était la pirogue, un canoé pouvant transporter 2 à 3 personnes. Il suffisait de couper un "cipre" (bald cipres) en deux et de creuser l'intérieur. Le feu et des outils facilitaient la tache. Quand les Acadiens sont arrivés sur le territoire, les Indiens leur ont montré cette technique (ainsi que celle du bousillage de leurs cabanes en latanier : cf. article précédent).

Religion :  là je sèche mais beaucoup sont devenus chrétiens, avec l'influence des Français, Espagnols et Cadiens.

Exemples de mots indiens utilisés en Louisiane : chaoui (raton-laveur), Atchafalaya (longue rivière), bayou (rivière qui coule lentement). Mais ils parlent surtout français depuis la colonisation européenne. Encore aujourd'hui, beaucoup d'Indiens en Louisiane sont plus à l'aise en français qu'en anglais car ils s'entendaient presque tous avec les colons français. Cette langue a été transmise oralement de génération en génération.

Artisanat : l'art de la vannerie mais aussi de belles poteries.

Cuisine : le filé (feuilles de sassafras en poudre utilisées pour épaissir les soupes), le macque choux (maïs à l'étuvée).


En septembre 2011, au musée d'histoire vivante de Lafayette - Vermilionville - a eu lieu une journée de rencontre et de partage des cultures indiennes de Louisiane. C'était une extraordinaire opportunité de discuter (en français comme en anglais) avec d'authentiques Indiens et d'en apprendre plus sur leurs modes de vie !


Un chef de tribu. Il parle français comme vous et moi !
Parmi les invitées : Houmas, Chitimacha, Coushatta, et bien d'autres. Notamment la communauté de l'Isle de Jean Charles, commencée par un français marié avec une indienne. Il a été déshérité pour ça et a dû s'installer dans l'Isle. Pratiquement tous ses enfants ont épousé des indiens. Entre le 19ème et le 20ème, la communauté est passée de 4 familles à 77 personnes.
Le rôle de leur chef indien aujourd'hui : il est propriétaire d'une épicerie, s'occupe du courrier, arbitre les malentendus, représente son peuple à l'extérieur de la communauté et rassemble ses administrés pour des travaux utiles au village. Chaque chef nomme son sucesseur (souvent au sein de sa famille).

Continuer la lutte pacifique :
Triste réalité ; après l'achat de la Louisiane par les Américains (1803), les tribus ont perdu la plupart de leurs terres. Depuis l'arrivée des colons, ils ont été forcés de s'installer de plus en plus au sud, jusqu'à atteindre la côte ! Les Houmas sont les Indiens les mieux connus en Louisiane et une des seules tribus reconnues officiellement par l'Etat de Louisiane (depuis 1979 seulement !). Oui, vous avez bien compris, certaines communautés ne sont même pas reconnues en tant que telles par les Etats-Unis, certainement parce que le gouvernement devrait alors payer des pensions (si vous avez du sang Indien vous pouvez prétendre à une indemnité)... Depuis 1803, ne pas réclamer son identité indienne  a permis à beaucoup d'Indiens d'éviter la déportation dans les réserves de l'Oklahoma. Aujourd'hui, de nombreuses tribus de Louisiane se battent pour la reconnaissance de leur identité.


A Vermilionville, on a appris que l'éducation en Louisiane ne coulait pas de source pour les Indiens, comme pour les personnes de couleur d'ailleurs. Impossible pour les petits Indiens de fréquenter une école publique de blancs avant 1964-67 ! Un des chefs nous a dit que le chauffeur du bus scolaire ne voulait pas de lui et le fichait dehors. On ne mélangait pas les races (terme utilisé en Amérique sans que ce soit péjoratif semble-t-il)... Jusqu'en 1975, comme les petits Cadiens, ils étaient punis quand ils parlaient français à l'école. C'était pourtant la seule langue qu'ils connaissaient !

On a assisté à des ateliers artistiques mais on a aussi pu bricoler :
Une perceuse sans éléctricité !
Aujourd'hui et demain :
Bref, les Indiens de Louisiane vivent encore maintemant de façon isolée, sans assurance santé, sur des bandes de terres côtières menacées de disparaitre. L'érosion des sols est en effet très importante à cause des digues sur les bayous depuis les années 1930 (pour contrôler les inondations). En fait l'équivalent du territoire de Manhattan disparaît chaque année. Ça représente 12 000 hectares par an !
Les compagnies pétrolières (30% du pétrole américain vient de Louisiane) défigurent et fragilisent les marais. Ils creusent des canaux sans les reboucher alors que c'est la loi. La dernière marée noire a fait des ravages sur la nature et sur la santé et le métier de pêcheurs des Indiens notamment. Que leur reste-t-il donc, oú aller et quelle reconversion imaginer ?

Pour en savoir plus sur Vermilionville cliquez ici.
Le témoignage du Bougre du bayou
Pour voir des photos d'un PowWow (prononcez "Pa Waw") ; un rassemblement de tribus d'Amérique du nord, cliquez ici.

Si vous êtes Indien de Louisiane ou connaissez cette culture, vos apports sont bienvenus dans les commentaires. Merci d'avance.

La semaine prochaine on s'intéressera aux fabuleux costumes des Mardi Gras Indians. Patience...