vendredi 30 novembre 2012

Mesa Verde National Park : road trip de l'été 2012 dans le sud-ouest des U.S.A. (4)

Spruce Tree House

Du 31 mai au 1er juin

On découvre maintenant l'univers des ancêtres du peuple Acoma et des contemporains de la culture Chaco (cf. article précédent) avec la visite du parc national de Mesa Verde. Époustouflant !

Changement d'Etat pour commencer :


C'est ici qu'on traverse (encore !) des déserts majestueux. Nous ne sommes pas loin de Monument Valley :


Mesa Verde National Park :

Ce parc est célèbre pour ses richesses archéologiques, édifices constuits par les ancêtres des "puebloans" (comme les Indiens Acoma par exemple) entre 550 et 1300. Les premières choses qu'on voit pourtant en arrivant sur la route sont des biches et un petit ours brun qui, en nous voyant, n'a pas osé traverser la route. Heureusement car je ne me serais pas remise de blesser un animal comme celui-là ! L'incident a été si furtif que nous n'avons pas de preuves photographiques. Nous l'avons quand même signalé aux rangers car c'était un jeune ours qu'il faudra surveiller.

Quand on arrive à Mesa Verde, il faut se rendre au centre d'information, qui permet de s'inscrire pour les visites uniquement accessibles par l'intermédiaire d'un ranger. C'est un coût supplémentaire mais ça le vaut bien. On commence par la visite de Balcony House, voyez plutôt :



Quand je regarde les vidéos et photos prises à Mesa Verde, je regrette de ne pas vous les proposer en 3 D et avec des lunettes de soleil. En effet, la lumière est tellement crue qu'elle aplatit tout et rend les couleurs trop claires.

Voici le cadre dans lequel vivaient les Anasazis (terme utilisé dans les manuels scolaires mais pas très appréciés des Indiens car utilisé par leurs ennemis) :

Imaginez dans ce paysage 600 habitations troglodytiques et 5000 sites archéologiques en tout.

Je vous présente notre ranger, bénévole, comme beaucoup dans les parcs américains :


Il nous conduit vers ce village perché de taille moyenne qui vaut surtout par son accès. Les personnes qui ont le vertige ou la phobie des espaces étriqués peuvent s'abstenir :

Il va falloir monter cette échelle...

... rester concentrés, ne pas rater une marche....


... et ne surtout pas regarder en bas !
Certains américains ne peuvent même pas se faufiler là dedans !

Notre guide nous explique que les Anasazis étaient des chasseurs-cueilleurs nomades avant de s'installer comme cultivateurs de maïs, courges et haricots. A ce propos, nous imaginions que chaque type de plante avait son carré privé. Mais en voyant le film documentaire " Les Moissons du futur " (diffusé sur Arte il y a peu), nous pensons que les trois étaient semées sur un seul et même carré et poussaient en totale symbiose. Fascinant non ?

Établis entre 550 et 750 après J.C. au sommet des plateaux, près de leurs champs, les habitants de cette zone construisaient des maisons à demi-enterrées. Seul le toit dépassait du sol.


Puis, de 750 à 1100, ils ont construit des maisons en poteaux de bois et boue au dessus du sol. 50 chambres pouvaient être reliées les unes aux autres.


Entre 1100 et 1300, les maisons formaient des villages compactes. On construit des maisons en pierre de 3-4 étages.


C'est vers 1200 qu'ils se sont perchés en dessous des plateaux, certainement pour être à l'abri du soleil et des raids d'autres Indiens. La sortie de Balcony House est un étroit passage qui ne laisse passer qu'une personne à la fois, à genoux :


Finalement, les Anasazis sont partis pour le sud vers 1300, là où les Acomas, Zunis, ... vivent encore aujourd'hui. Une filiation entre les ancêtres des puebloans de Mesa Verde et les indiens du Nouveau Mexique est très probable. Ce changement radical d'habitat serait le résultat d'une mauvaise gestion des terres (pas de jachères, trop besoin de bois) combinée à 24 ans de sécheresse. La sécheresse est une évidence ici. 12 % d'humidité et des vents violents. Après deux ans passés sous 80 % d'humidité minimum en Louisiane, on a le nez tout sec !

Pour vivre dans un village perché, il fallait savoir grimper très jeune. Des prises sont encore taillées dans la roche :


Chaque pièce fait la même taille. On se demande s'il y avait des classes sociales dans cette organisation. On voit aussi ci-dessous l'emplacement de la cheminée, central.


Ces pièces sont petites non ?! On voit au sol les instruments qui servaient à réduire le maïs en farine.

On appelle ça le mano et le metate.

Les portes ressemblent à des fenêtres. Il fallait les enjamber pour entrer à l'intérieur.


Les archéologues ont trouvé des traces de décoration murale, comme ici avec de l'ocre et des demi-mandorles :


Maîtres dans l'art de la vannerie et de la poterie (pratiquée par les femmes), ils savaient aussi tisser des habits, des couvertures et tressaient des sandales en fibre de yucca. Le yucca est une plante merveilleuse qui leur procurait également savon, cordage, fruits, etc.

Les déchets étaient balancés en contrebas de la falaise. Les archéologues se sont régalés à fouiller ces poubelles, très instructives. Par ailleurs, ils ont aussi retrouvé des bébés enterrés avec leur couche en écorce de Juniper tree (je ne connais pas la traduction française), très absorbante. Ils enterraient leurs morts avec soin, les enveloppant de leur plus bel habit, avec toutes leurs possessions. On ne trouve pas de cimetière mais des tombes dispersées.

Après la visite de Balcony House on a enchainé avec la visite de Cliff Palace, le plus grand village perché.


Il comptait environ 250 habitants et 23 kivas (les ronds sur la photo) ! Son accès est moins acrobatique que Balcony House. Le ranger nous confirme ce qu'on avait découvert en lisant "De l'inégalité parmi les sociétés - Essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire" de Jared Diamond. Quand une société peut faire des réserves de nourriture, elle a l'occasion de se perfectionner, de se complexifier et de se spécialiser.
Le grenier se trouve tout en haut, collé au plafond. Seuls les archéologues y ont accès.







Le plancher se constitue de couches de madriers, bâtons et poteaux en bois, d’écorce et d'adobe (brique de terre argileuse mélangée à un végétal). Remarquez encore la peinture ocre.



On a passé le début d'après-midi au frais, au musée d'archéologie Chapin Mesa. C'est là qu'on apprend qu'on aplatissait l'arrière du crane des enfants à l'aide d'une planche rigide qui enserrait leur tête. Cette déformation du crane devait leur paraitre esthétique...

Ce qui frappe dans ces constructions quand on ne connait que les tipis des films de western c'est la qualité de la maçonnerie. Au fur et à mesure des siècles, les Anasazis ont perfectionné leurs murs de pierre, utilisant un mortier et plâtre fait de boue et d'eau.


Deux types de constructions abondent : les maisons à plusieurs étages et les pièces souterraines rondes nommées kivas. Perfectionnées au fil du temps comme on le voit ici :

En haut, les habitations où la pierre va prendre de plus en plus de place et en bas l'évolution des kivas.

Les kivas sont probablement des lieux de cérémonies religieuses destinés à chaque clan familial et peut-être aussi un lieu social. On ne sait pas vraiment car les indiens gardent bien le secret... En effet, les scientifiques n'arrivent pas à avoir accès aux rites encore aujourd'hui pratiqués. Une kiva est constituée d'une cheminée au centre, un autel et un petit trou, le sipapu (lien entre le monde souterrain des ancêtres et le monde des vivants).


On y descend par une échelle. Un trou est pratiqué au milieu du toit enterré. Nous allons en voir une belle à Spruce Tree House :


La kiva est sous la place. On va y accéder par l'échelle.



Ce dessin reconstitue l'intérieur d'une kiva avec un métier à tisser, des peintures et d'autres menus objets.



Détail de charpente de kiva.

Comme à Chaco, le commerce allait bon train entre l'achat de coton, des coquillages du Pacifique, de la turquoise et des plumes d'oiseaux du Mexique. A l'instar des Acomas, il semblerait que les Anasazis avait une société organisée de façon matriarcale. Les femmes prenaient les décisions finales et transmettaient la propriété.

On enchaine avec une balade de 2 heures longeant les hauteurs de falaises pour voir des pétroglyphes

et finissant en haut du plateau, à 2134 mètres. 3,8 kms de paysages grandioses

avec la vue sur plusieurs canyons, plus un barrage de l'époque :

On a fini cette journée bien chargée par une visite en voiture de " Mesa Top ". A chaque arrêt on peut voir des habitations de différentes époques. Les seules choses qu'ils n'ont pas inventées sont la roue, la porte et les outils en métal.
Ensuite direction notre place de camping. C'est l'heure de sortie des biches :


On en trouve même une sur notre emplacement :


Le lendemain nous avons rendez-vous pour une autre visite avec un ranger : Long House à Wetherill Mesa. Un petit train nous emmène au départ de la visite et on poursuit à pied pour atteindre le site. On arrive dans une sorte de cirque. Le village est accroché à flanc de falaise. C'est le 2ème plus grand ensemble du parc, avec une source d'eau arrivant directement derrière les maisons

Ici, un trou dans lequel s'accumulait l'eau et où on plongeait le verre pour boire.
Une grande place devant les maisons suggère un lieu de rassemblement pour des danses ou cérémonies. Le ranger nous apprend que les pins n'étaient pas coupés pour servir de charpente car le bois suinte de la résine. De plus les pignons de pin étaient une source d'alimentation.

Voilà ! On peut dire qu'on a appris énormément de choses à Mesa Verde et que tout était passionnant. Ce site est unique en son genre.
La prochaine fois on vous emmène dans un univers plus rose, le parc national des Arches.

3 commentaires:

  1. toujours très bien documenté mais la montée sur l'échelle et le passage dans les "boyaux" je ne sais pas si j'aurais été capable de les faire, quant à certains américains et leur problème de poids, j'en suis encore moins sûre ....

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  2. Une recherche sur la boisson "Dr Pepper" m'a fait tombée sur votre blog...et j'adore !

    Les USA et surtout l'ouest américain m'ont toujours fasciné, un jour j'espère pouvoir faire un "road trip" avec ma famille!

    Je vais continuer ma visite sur votre blog, me permettant de voyager par procuration ;)

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  3. Je suis contente que la sérendipité t'es amené jusqu'à moi et que tu apprécies ce blog. Bon voyage alors en attendant la vraie aventure !!

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